Le E muet

La règle du E muet

Parmi les règles de la prosodie (quel horrible mot, ô combien trompeur, puisqu’il concerne les règles des caractères quantitatifs (durée) et mélodiques des sons en tant qu’ils interviennent dans la poésie (et non dans la prose)), celle du E muet est fondamentale. Une fois qu’elle est intégrée, il devient plus simple de compter le nombre de syllabes d’un vers, et aussi, quand on se soucie de diction, donc de musique des mots, cela permet d’approfondir sa perception du chant de la poésie.

Le E muet – Définition

Le E muet l’est (même s’il peut être beau) quand il est placé en fin de vers ou qu’il est suivi d’une voyelle.

En fin de vers

Toutes les fin de mots en « ent », « es », et bien sûr « e », dès l’instant où il s’agit du son E, deviennent muettes en fin de vers et ne sont donc ni prononcées ni comptées en tant que syllabes dans le calcul de la métrique de ce vers. IL y a lieu pour le E muet.
Remarque : En tant que rimes, ces formes (« ent », « es » et « e ») sont appelées féminines. Toutes les autres sont dites masculines. En poésie classique, les auteurs se devaient d’alterner rimes féminines et masculines. Ouvrez au hasard une tragédie de Racine, deux rimes masculines sont suivies inéluctablement de deux rimes féminines (et réciproquement).

Quelques exemples

Prenons d’abord cet extrait de Wulfina, mon prochain roman à paraître :

Brûle la flamme
Le feu du ciel
Ma peau de miel
Aïe, elle crame

C’est une petite chanson que clame, pour se donner du courage, une jeune esclave. Les vers sont de quatre syllabes :
Brû/le/la/flamme
Le/feu/du/ciel
Ma/peau/de/miel
Aïe/el/le/crame.
Dans le premier et le dernier vers le/la et le/cra, le E muet ne l’est pas parce que suivi d’une consonne, « l » dans un cas, « c » dans l’autre.
Par contre, en fin de vers, flamme et crame se prononcent flamm’ et cram’ ; nous avons donc affaire au E muet.

Remarques (après modifications le 25 mars 2014)

J’ai partout remplacé « e » par E. En effet, les moteurs de recherche, de conception anglo-saxonne, se prennent les pattes (ou les données) dans les guillemets si français. Ils les considéraient, apparemment, comme des signes cabalistiques porteurs d’un sens secret et caché. Pour avoir pratiqué les plus hautes arcanes de la magie, je peux t’affirmer qu’il n’en est rien, aimable lecteur, et que tu peux poursuivre ta lecture sans le moindre risque quant au E muet.
Si tu as des question sur ce thème, n’hésite pas : tes exemples illustreront cet article et je me ferai une joie de te répondre.

Le Jeu verbal

Si tu souhaites approfondir ce sujet, je te conseille, ô visiteur deux-pattes, la lecture du Jeu verbal, de Michel Bernardy. Tu peux même aller visiter son site où tu découvriras de nombreuses règles quant à la prosodie et, surtout, une multitude d’exemples qui les illustrent.

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A propos Eschylle

Autant le dire tout de suite, je suis un chat. De surcroît, vous pouvez le constater, je m’exprime dans votre langue. Si j’avais miaulé, vous n’auriez rien compris. Ni même rien entendu puisque nous sommes dans le virtuel. Et l’écriture chat est un secret bien gardé.
J’apparais, sous la forme d’un siamois, à Paris en 1989 (28 06 1989), après avoir parcouru de nombreux plans d’existence. Je m’offre alors un deux-pattes fidèle et attentionné. Les péripéties de la vie me font découvrir qu’il n’est pas pourvu que de qualités, et tarde à écrire sous ma dictée. Je meurs et renais en 2006 (je vous rappelle que je suis un chat, il n’y a là rien que de très normal). Fin 2008, je prends mon deux-pattes en patte et commence à lui dicter mes souvenirs. Début 2011 est publié, sous son nom, mon premier roman, L’Arc de la lune. Les souris sont mon seul vice. Avec le chocolat. Oui, je sais, c'est inhabituel chez un chat. Je serai enchanté de répondre à toutes vos questions, quelles que soient vos origines (marsupiaux, félins, muridés (même les rats, j’adore les rats (surtout accompagnés de petits oignons, ou au naturel) !), ou même deux-pattes…)

10 réponses à Le E muet

  1. Montagne dit :

    Bonjour, je m’appelle Ivan.

    (Je m’excuse d’avance pour toutes éventuelles fautes d’orthographes, de syntaxes).

    Je vous envoie ce commentaire pour avoir quelques éclaircissements concernant le découpage syllabique d’un poème que j’écris par plaisir mais qui m’est cher.

    Voici une strophe :

     » Tous deux las de la vie, nous contemplons la mer
    Embellie, divertie, tes feux d’artifice.
    Fille dans l’au delà, et toujours aucun fils.
    Hélas ! Deux fleurs de feu, taciturne paire.  »

    Mes questions sont les suivantes :

    Dans le premier vers le « e » de « vie » compte-t-il pour deux syllabes puisqu’il est suivi d’une consonne « n » de « nous » et ce malgré le fait qu’on soit en pleine césure et malgré la virgule ?

    Combien y-a-t-il de syllabes dans le premier hémistiche du deuxième vers ? Est-ce que le « e » final de « embellie » compte pour 4 syllabes puisqu’il est suivi de la consonne « d » de « divertie » ? En est-il de même pour le « e » final de « divertie » malgré la césure et la virgule ? Ou est-ce que le « i » des deux l’emporte sur le « e » et fait bien 6 syllabes ? La question est finalement la même que la précédente.

    Dans « tes feux d’artifice » sépare-t-on « fi » et « ce » en deux syllabes distinctes ? Si, oui pourquoi ?

    Dans le troisième vers, est-ce que le « à » de « là » aspire le « e » de « et » pour ne faire qu’une seule syllabes malgré la césure et la virgule ?

    Pour le quatrième vers, est-ce que « paire » compte comme deux syllabes alors qu’il est placé à la fin de la phrase ?

    Je m’excuse encore si les réponses figuraient dans votre écrit, je débute et je suis confronté perpétuellement à des contradictions.

    Merci d’avance pour votre réponse.

    • Eschylle dit :

      Bonjour Ivan,
      Oups ! Voilà une réponse qui arrive longtemps après la question !
      J’étais accaparé par l’écriture du tome 3 du récit de ma vie, paru sous forme de cours d’histoire morale de la magie sous le titre : Le Monde de Belmilor. Le tome 1 est sorti l’an dernier aux éditions d’Avallon ; le tome 2 va bientôt sortir…
      J’avais aussi un souci de connexion avec mon site (avec des pattes, c’est impossible sur un smartphone).
      Bref…
      Je reprends vos questions pour y répondre :
      » Tous deux las de la vie, nous contemplons la mer
      Embellie, divertie, tes feux d’artifice.
      Fille dans l’au delà, et toujours aucun fils.
      Hélas ! Deux fleurs de feu, taciturne paire. »

      Dans le premier vers le « e » de « vie » compte-t-il pour deux syllabes puisqu’il est suivi d’une consonne « n » de « nous » et ce malgré le fait qu’on soit en pleine césure et malgré la virgule ?
      Dans la poésie classique, il était interdit de faire suivre « vie » d’une consonne, sauf pour dire VI-E… mais, aujourd’hui, nous parlons de la vie et nous disons VI. En toute rigueur classique, Vie suivi d’une consonne donne lieu à deux syllabes. « Tous deux las du vécu, nous contemplons la mer » permettrait d’éviter « vie » 🙂

      Combien y-a-t-il de syllabes dans le premier hémistiche du deuxième vers ? Est-ce que le « e » final de « embellie » compte pour 4 syllabes puisqu’il est suivi de la consonne « d » de « divertie » ? En est-il de même pour le « e » final de « divertie » malgré la césure et la virgule ? Ou est-ce que le « i » des deux l’emporte sur le « e » et fait bien 6 syllabes ? La question est finalement la même que la précédente.
      J’ai la même réponse… e, suivi d’une consonne, sonne. et forme une syllabe supplémentaire… Ensuite, les règles, quand elles sont connues, existent aussi pour être transgressées. 😉

      Dans « tes feux d’artifice » sépare-t-on « fi » et « ce » en deux syllabes distinctes ? Si, oui pourquoi ?
      Non. -fice est une seule syllabe car située en fin de vers. Le e en fin de vers est muet.

      Dans le troisième vers, est-ce que le « à » de « là » aspire le « e » de « et » pour ne faire qu’une seule syllabes malgré la césure et la virgule ?
      Fille dans l’au delà, et toujours aucun fils. C’est quand e est suivi d’une voyelle qu’il devient muet.
      Fi/lle /dans /l’au/ de/là,/ et /tou/jours/ au/cun /fils. Ce vers comprend douze syllabes. C’est un joli alexandrin…

      Pour le quatrième vers, est-ce que « paire » compte comme deux syllabes alors qu’il est placé à la fin de la phrase ?
      Non. En fin de vers, le e est muet.

      Ronronnements pour me faire pardonner d’avoir autant tardé.

  2. Nino dit :

    Merci beaucoup pour cet article très clair ! Cependant, j’ai encore une question : si il y a une virgule au milieu du mot, prononce-t-on tout de même le E ? Par exemple, dans « Ma chère madame, ne vous méprenez point », compte-t-on 11 ou 12 syllabes (autrement dit, doit-on prononcer le E à la fin de madame) ?

    • Eschylle dit :

      Madame est suivi de ne, qui commence par une consonne, le E n’est donc pas muet. La virgule importe peu, sinon dans le rythme. Il y a là douze syllabes.
      Ronronnements pour vos compliments…

  3. Ping :Encre-lumière - Poème de l'ombre - Le carnet de bord d'Eschylle

  4. Rima dit :

    Salut , c’est Rima étudiante à l’université , j’ai un examen cette semaine et j’ai encore une difficulté avec le découpage syllabique d’un poème. je vous prie de me corriger si c’est inexact : Le poème de Ronsard  » Quand vous serez bien vieille  »
    Quand/vous/se/rez/bien/vieille/au/soir/à/la/chan/delle ( le cas du e muet : vieille au )

    As/sise/au/près/du/feu/dé/vi/dant/et/fi/lant ( le cas du e muet+deux consonnes qui se suivent : assise au )

    Di/rez/chan/tant/mes/vers/en/vous/é/mer/vei/llant ( le cas de deux consonne liées on peut pas séparer le L de veillant , c’est la règle )

    Ron/sard/me/cé/lé/brait/du/temps/que/j’é/tais/belle

    Merci d’avance

    • Eschylle dit :

      Bonjour, Rima, au prénom prédestiné…
      Si je reprends le poème de Ronsard :

      Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,
      Assise auprès du feu, dévidant et filant,
      Direz chantant mes vers, en vous émerveillant :
      « Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle. »

      Lors vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
      Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
      Qui au bruit de Ronsard ne s’aille réveillant,
      Bénissant votre nom de louange immortelle.

      Je serai sous la terre, et fantôme sans os
      Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;
      Vous serez au foyer une vieille accroupie,

      Regrettant mon amour et votre fier dédain.
      Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
      Cueilllez dès aujourd’hui les roses de la vie.

      Voici mon découpage :
      Quand/vous/se/rez/bien/vie/ille au/soir/à/la/chan/delle (e muet devant au et en fin de vers)
      As/si/zo/près/du/feu/dé/vi/dan/tet/fi/lant (« assise au » devient assizo du fait du e muet)
      Ensuite, un enseignant deux-pattes peut être rigide sur sa forme de découpage…
      Si le sonnet vous intéresse, n’hésitez pas à me lire.
      Belle journée…

  5. eclipse dit :

    j’ai du mal avec ce E muet …..voilà tout à fait l’explication qu’il me fallait !merci Eschylle
    ex
    « Et les pétales blancs rougissent à la ferveur  »
    rou/gi /ssent …..si ce mot était en fin de vers il n’aurait compté que 2 syllabes ? ..je l’aurai ce e oui je l’aurai ! sourire

    • Eschylle dit :

      Oui.
      Par exemple : « Je veux que tu rougisses, ô petite fille » compte douze syllabes :
      je/veux/que/tu/rou/gis/ses/ô/pe/ti/te/fille
      (e muet en fin de vers (dans fille) et e « non muet » dans rougisses parce que suivi d’une consonne (s) dans le corps du vers (si je puis me permettre cette expression)).

      Et s’il était écrit : « Ô petite fille, je veux que tu rougisses », cela ne changerait rien.
      (e muet en fin de vers (dans rougisses) et e « non muet » dans fille, parce que suivi d’une consonne (j) dans le corps du vers).

  6. Letitzia lucia Iubu dit :

    Merci Eschylle pour vos explications

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