Thirel-le-fou
Thirel-le-fou – Un épisode particulier
Ce passage, Thirel-le-fou, fait suite à Amalia de Ventadour. Il présente l’autocrate de l’Empire Brun, Thirel-le-fou, même s’il n’était pas encore ainsi nommé, et le racisme qui sévissait au sein de l’Empire Brun. Tu remarqueras, ô lecteur, combien je fus abasourdi par cette découverte. C’était la première fois que j’entendais ce nom, mais Thirel-le-fou allait rester à jamais gravé dans ma mémoire. Sa folie n’était pas ordinaire car elle confinait au génie. Mais ce talent s’abreuvait à une source malveillante, et le monde de Belmilor paya de longues années de souffrance le fait d’avoir sous-estimé cette dernière.
Rappel de l’épisode précédent
Dans l’épisode précédent Thirel-le-fou, Amalia de Ventadour, j’ai raconté l’entretien des amis de mon nouveau compère avec la châtelaine, Amalia de Ventadour, et de la découverte de cette entité monstrueuse l’Empire brun et de ce point-de-vue non moins monstrueux, le racisme. J’évoquais aussi le regard négatif que commençaient à porter certains habitants des Marches Pâles sur les petites-personnes.
De la folie
Je ne porte aucun jugement sur la folie en appelant Thirel-le-fou, le maître de l’Empire Brun. Ainsi que tu pourras le lire, il porta de nombreux surnom. Ceux qui l’idolâtraient le nommaient le Petit Père des Peuples Réunis, ou encore le Guide Sublime et Impartial… Les trouvailles des deux-pattes, en matière de courtisanerie ou de vénération, sont parfois étonnantes. Pour ma part, il restera à jamais gravé dans ma mémoire sous ce surnom de Thirel-le-fou. À la fois parce que c’est ainsi que je perçus la pensée de mon maître à son sujet, mais aussi parce que j’eus à plonger dans cette folie et qu’elle n’était pas un vain mot.
Un peu d’histoire du monde de Belmilor – chapitre 6 (fin : Thirel-le-fou)
Je l’interrompis.
— Il était un peu comme N’a-qu’un-œil, c’est ça ? C’était le mâle dominant ?
Bélerin émit un petit rire. Il expliqua aux autres ce que je venais de lui exprimer mentalement. Ils s’esclaffèrent.
— Je suppose que ce N’a-qu’un-œil t’a fait quelques misères, reprit mon maître. Dis-toi bien que ce qu’il t’a fait n’est rien comparé à ce qu’a fait, est en train de faire, ou va faire, Thirel.
C’est ainsi que j’entendis parler de Thirel-le-fou pour la première fois. Mais il n’était pas encore ainsi nommé.
— Ce mage, car c’en est un, est soutenu par le clergé de Zinatron, un dieu très ancien. Ils ne valorisent, ils n’estiment que la mort, la haine, la force et la destruction. Le plus grand, le plus fort, le plus malin, le plus intelligent doit être au-dessus du plus petit, du plus faible, et doit l’opprimer. C’est son rôle. Avec ce principe, ils ont établi une hiérarchie où les races les plus grandes sont dominantes, et où le bas de l’échelle est occupé par les petits-hommes.
— Si je comprends bien, fis-je, au sein de cet empire, Romilor serait aux ordres de la grosse Wulfina ?
Mon maître pouffa. Il expliqua ma remarque en remplaçant le qualificatif que j’avais appliqué à la loupine par « grande ». Les autres rirent à nouveau.
— Là-bas, poursuivit-il, le racisme est considéré comme naturel. Contrairement à chez nous. Un petit peut être maltraité sans que personne n’y trouve à redire. Les « citoyens » de l’Empire Brun ont des petits comme esclaves.
Là, mon maître dut m’expliquer le concept d’esclave qui m’était incompréhensible. Quand j’eus compris ce sens épouvantable, je lui demandai pourquoi le Haut-Royaume n’intervenait pas pour tuer ce Thirel et rétablir l’harmonie et le bonheur au sein de cet Empire Brun. Mon maître plissa le front.
— Je suis d’accord avec toi. C’est ce que nous devrions faire. Mais ce n’est pas si simple, comme disent ceux qui nous dirigent. On ne peut attaquer un État sans de bonnes raisons. Une telle guerre entraînerait la ruine de toutes les régions où elle s’étendrait. Les nobles du Haut-Royaume sont hostiles à un conflit. Ils préfèrent se battre pour conserver la paix qu’ils ont mis des décennies à construire. Et puis…
Je regardais mon maître en ronronnant, car sa main était devenue de plus en plus grattouillante au fur et à mesure qu’il s’échauffait. Il s’interrompit, déplaça ses doigts au sommet de mon crâne, et conclut.
— Et puis, les consciences préfèrent l’avoir bonne…
Il précisa, percevant le point d’interrogation qui s’était formé dans ma tête.
— Les deux-pattes, comme tu les appelles, tiennent à avoir bonne conscience. Mais ils apprécient surtout leur petit confort. Voilà pourquoi nous n’attaquons pas l’Empire Brun. Voilà aussi pourquoi nous ne pouvons pas prendre pour argent comptant le témoignage de l’un de ses dignitaires, surtout quand ce témoignage vise à discréditer un petit-deux-pattes.
— Qu’allons-nous faire ? demandai-je alors.
— Dormir ! fut la réponse de mon maître. Notre nuit est bien entamée. Nous ne sommes qu’un pion. Demain, ce pion se mettra en mouvement.
Je pouvais parler mentalement avec mon maître. Ma vue avait changé du tout au tout. Ma vie avait basculé sur un versant inconnu aux autres chats.
Vous avez tous noté comment se passa notre premier échange ? J’étais alors convaincu qu’il me fallait voir les yeux de mon maître pour communiquer avec lui. Je le crus pendant longtemps. La communication télépathique est beaucoup plus subtile que d’aucuns voudraient le faire croire !
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Commencer par le début ?
Si tu lis, du fait du hasard, ô lecteur deux-pattes, cet épisode, Thirel-le-fou, deuxième partie et fin du chapitre 6 de Ne pas se fier aux apparences, premier tome de mon Eschylliade, tu risques d’être un peu perdu. Je ne saurais trop te conseiller de reprendre ta lecture du début. Le premier chapitre peut se déguster dans le merveilleux article que j’ai consacré à ma qualité de chat-rtiste. Beaucoup de lecteurs procèdent ainsi, mais notre époque (ces années 2010-220) réinvente la pratique de la lecture. Tu en es partie prenante, lecteur mon ami. Sur ce Carnet de bord, tu es le pilote. Un clic et tout disparaît, un autre et tout apparaît. Le virtuel provoque l’illusion d’une magie moderne. Pour ma part, je suis un chat (siamois de surcroît) qui, avec mes trois vies, ai vécu l’équivalent de sept cent de vos années. Et je sais depuis longtemps combien le regard de l’observateur est fondamental dans la perception de l’observation.
La table des liens
Tu as aussi la possibilité, ami lecteur, de te référer à la table des liens de l’Eschylliade qui, avant cet épisode, renvoie à tous les chapitres déjà parus sur ce carnet de bord.
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