Du triolet et de l’art de péter
L’Art de péter
Présentation de l’œuvre
Paru en 1751, L’Art de péter, qui porte le sous-titre Essai théori-physique et méthodique à l’usage des personnes constipées, des personnes graves et austères, des dames mélancoliques et de tous ceux qui restent esclaves du préjugé, est un ouvrage on ne peut plus sérieux rédigé par un deux-pattes de qualité au nom flamboyant : Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut.
En voici l’avis au lecteur, que je recopie pour toi, ami de passage sur la toile :
Il est honteux, lecteur, que, depuis le temps que vous pétez, vous ne sachiez pas encore comment vous le faites, et comment vous devez le faire. On s’imagine communément que les pets ne diffèrent que du petit au grand, et qu’au fond, ils sont tous de la même espèce ; erreur grossière.
Cette matière que je vous offre aujourd’hui, analysée avec toute l’exactitude possible, avait été extrêmement négligée jusqu’à présent ; non pas qu’on la jugeât indigne d’être maniée, mais par ce qu’on ne l’estimait pas susceptible d’une certaine méthode et de nouvelles découvertes. On se trompait.
Péter est un art, et, par conséquent, une chose utile à la vie, comme disent Lucien, Hermogène, Quintilien, etc. Il est en effet plus essentiel qu’on ne pense ordinairement, de savoir péter à propos.
Un Pet qui, pour sortir, a fait un vain effort,
Dans les flancs déchirés reportant sa furie,
Souvent cause la mort.
D’un mortel constipé qui touche au sombre bord,
Un Pet à temps lâché, pourrait sauver la vie.
Enfin, on peut péter avec règle et avec goût, comme je vous le ferai sentir dans toute la suite de cette ouvrage. Je ne balance donc pas à faire part au public de mes recherches et de mes découvertes, sur un art dont on ne trouve rien de satisfaisant dans les plus amples dictionnaires ; et en effet, il n’y est pas question (chose incroyable) de la nomenclature même de cet art, dont je présente aujourd’hui les principes aux curieux.
Une saine lecture
Pour te prouver que je n’invente rien, tu peux vérifier mes dires chez Wikipédia.
Il m’arrive souvent de lire des articles de jeunes deux-pattes évoquant le « lâcher-prise ». ils devraient, avant toute autre considération, se concentrer sur celui-ci. Tu pourras même, ô lecteur, constater que l’ouvrage sus-mentionné a été réédité de nombreuses fois, ce qui prouve qu’il est de qualité. Je te conseille donc sa très saine lecture.
Le triolet
Après le sonnet et le haïku, je suis heureux, moi, Eschylle, chat (siamois de surcroît), de te présenter le triolet.
Qu’est-ce que le triolet ?
Le triolet, si tu cherches au hasard des moteurs dits de recherche, n’est pas, contrairement à ce qu’ils t’affirmeront un bar situé à La Rochelle, ou à Nantes, ni une école primaire, ni, dans le solfège, une division exceptionnelle du temps, mais un poème à forme fixe, comme le précise fort justement Wikipédia.
Définition du triolet
Cette forme littéraire poétique est composé de huit vers sur deux rimes, où le premier, le quatrième et le septième vers du triolet sont identiques, ainsi que les deuxième et huitième vers. Par tradition, il est composé en octosyllabes. Dans l’exemple donné ci-dessous, il est écrit en alexandrins (douze syllabes). Il est adapté, en particulier, au genre satirique.
Je ne suis pas poète
Je ne suis pas poète excepté quand je pète
J’en vais choquer certains, même des libertins.
Qui critique le pet me colle une étiquette :
Je ne suis pas poète excepté quand je pète
« Avez-vous écouté le vent de l’oubliette ? »
« Il chante en bas-latin et fleure bon le thym »
Je ne suis pas poète excepté quand je pète
J’en vais choquer certains, même des libertins.
Je ne suis pas poète excepté quand je pète
Pourquoi le critiquer ? Le vent est angélique
Le vrai pet, le pet clair, est une jolie fête
Je ne suis pas poète, excepté quand je pète
Je sais bien que la vesse est critiquée, c’est bête,
Par des esprits grognons, sujets à la colique.
Je ne suis pas poète, excepté quand je pète
Pourquoi le critiquer ? Le vent est angélique.
Je ne suis pas poète excepté quand je pète
Je veux réconcilier le vent avec les anges.
S’il surgit, malvenu, je souffle sous la couette :
Je ne suis pas poète excepté quand je pète
Et le rire jaillit, parmi les galipettes
Et ma jolie mésange me couvre de louanges
Je ne suis pas poète excepté quand je pète
Je veux réconcilier le vent avec les anges.
De la réponse à la question
C’est à toi, ô lecteur, de répondre à la question initiale. J’ai évoqué l’ouvrage de Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut dans un premier temps, puis je t’ai présenté le triolet, enfin j’ai terminé par trois triolets au titre évocateur : Je ne suis pas poète. Qu’en penses-tu ?
Je ne doute pas que ma démonstration ne t’ait convaincu du bien-fondé de l’acte d’écrire un triolet et de te libérer avec régularité du trop-plein qui bouillonne en toi. Tu remarqueras que je t’ai présenté non un mais trois triolets. Contrairement à ce que tu pourrais imaginer, trois triolets composent non pas un flageolet mais un trio de triolets. Je te laisse méditer sur cette notion fondamentale sans laquelle la vie ne vaudrait pas la peine d’être vécue.
Tu veux en savoir plus sur la vie ? N’hésite pas à t’inscrire dans le cercle des initiés. Bien des mystères te seront révélés.
excellent merci
Délicate Priscille, la justesse de ton propos n’égale que sa concision. Quel talent !
Bienvenue à toi et reviens quand tu le désires.