Le ciel est un oiseau qui passe
Le le le le le le le
Le les les le
Le les le les
Le laid le laid
Pas le lait
Le laid
Laid laid laid
Pas le palais pâle
Le laid
Pas de palais plaie
Plait
Plaise au ciel
Plaie du ciel
Laid plaid du ciel qui déplaît
Déplie la plaie du ciel qui me plaît
Pas de ciel
Pas de pied
La boue
Pas de corps
Le froid
Carapace
Prison
Prise son
Son du ciel
Chant d’oiseau
Impasse passe passe
Pas d’espace
Interdit
Perdu
Tout au fond fondu engourdi
Le gourdin sur la tête
Gourd debout
Marcher
Interdit
Chanter interdit
Dehors interdit
Perdu
Des murmures le ciel un oiseau
Le zozo le zoo des zozos
Enfermés
Enfer mais ça passe
Passe l’espace qui chante
Et la boue éperdue qui me glue
La gadoue la galère et la glu
Enfermé
Gars gras qu’a corrigé
Corps perdu corps en cage
Corps glacé corps debout
Cor au pied
Corps mémoire corps à corps oublié
Enfermé dans des murs
Pieds devant c’est sortir
Abandonner ce corps
Voler comme un oiseau
Eclater dans le ciel
En cent mille couleurs
Et colorer ces murs
Avec le sang des cris
Des pierres des prisons
L’onyx est une pierre
Un oignon de couleurs
Vivre c’est coloré
Mes murs sont colorés
Je veux vivre sans murs
Je ne veux plus de murs
Je veux manger des mûres
Je veux goûter le sang
Je veux verser mon sang
Je veux franchir les murs
L’arc-en-ciel est si beau
La tentation est belle
Sauter de la falaise
M’accrocher à la poutre
Me taillader les veines
Laisser couler la vie
Rouge sang sur le blanc
Sortir de cet enfer
Mais qu’est-ce que j’y fais ?
Pour aller en Enfer
Franchir enfin le Styx
Et mourir à la vie
Pour renaître en oiseau
Tout au fond de l’Enfer
Ou là-haut dans le ciel
Luciole dans ma nuit
Le ciel le ciel le ciel
Le ciel est un oiseau qui passe
Pied dans la boue, œil engourdi
Mon corps doucement refroidit
Enfermé dans sa carapace
Au fond de moi chante l’espace
Je suis debout quoique étourdi
Marcher dehors est interdit
Perdu tout au fond d’une impasse
Je me heurte à des murs d’onyx
(La tentation est colorée)
Je suis attiré par le Styx
Mais je souhaite atteindre l’orée
De la forêt du souvenir
Afin d’enfin m’appartenir.
Historique
Ce poème n’est pas né d’aujourd’hui. Il possède une histoire. Ce n’est pas toujours le cas ; parfois, un texte surgit, inattendu, et se déverse en une cascade jaillissante sous un arc-en-ciel né de la rencontre de cette eau tumultueuse et de la lumière.
Tu vois où je veux en venir, ô lecteur deux-pattes curieux ?
Ce que je crois
Je ne crois pas à la génération spontanée.
Je crois à la culture, à la naissance, à la création.
Je crois à l’importance du temps.
Par exemple, toi, ô lecteur, il t’a fallu du temps pour apprendre à cliquer sur les liens qui permettent de lire mes articles qui, tous, résonnent entre eux, fruits de ma pensée (Je suis un chat, siamois de surcroît, et revenu en cette vie pour t’apporter la lumière, ô deux-pattes de peu de foi).
Le temps de la gestation
Il en a fallu, du temps, avant que ne germe le premier bourgeon fragile d’où a jailli, plus tard, ce chêne, roi de la forêt ;
Il en a fallu du temps avant que l’enfant paraisse ou que l’oiseau s’envole ;
Il en a fallu du temps avant que ne puisse s’exprimer ce que je ressentais confusément.
Le ciel est par-dessus le toit, de Verlaine.
Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.La cloche, dans le ciel qu’on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
Chante sa plainte.Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?
Ce poème parle, avec délicatesse et profondeur, de l’emprisonnement. Le point de vue de l’auteur est donné depuis un cachot, par la lucarne duquel il aperçoit et décrit la vie au-dehors.
Un sonnet à l’origine
J’ai donc composé, ayant un ami deux-pattes en prison, un sonnet, L’oiseau, que j’ai publié sur mon site-vitrine (et que tu peux donc lire en cliquant sur le lien) ; et je revendique, en tant que chat (siamois de surcroît), une filiation avec le poème de Verlaine.
Le slam
Ces joutes poétiques, ces rencontres de poètes de tous horizons disant leurs textes à haute voix, entretiennent en moi l’espoir quant à l’avenir des deux-pattes. Il existe encore parmi eux des témoins de notre monde, des passeurs de mots, des bricoleurs de rythme et de sens, des contemplatifs prêts à se confronter à des oreilles attentives.
Ghérasim Luca
Sans doute l’un des derniers poètes surréalistes, son œuvre poétique chante la déstructuration du langage. Slameur avant la lettre, il disait ses textes à haute voix. Il existe divers enregistrements dont celui du poème qui m’a nourri dans l’écriture de ce Ciel est un oiseau qui passe : Passionnément. Tu peux aussi, ô lecteur curieux, lire le texte original.
Le ciel est un oiseau qui passe
Parfois, un vers surgit en soi et la mélodie touche l’auteur qui l’inscrit aussitôt sur le papier. Il en fut ainsi pour cet oiseau
. Le poème de Verlaine a accompagné l’écriture du sonnet dans sa première version. La découverte des scènes slam par mon deux-pattes (sur lesquelles je l’envoie afin qu’il fasse entendre ma sublime poésie), en écho au poème de Ghérasim Luca, et l’évocation de cet ami deux-pattes emprisonné, ont provoqué cette dernière version. Je te la donne à lire.
Un déluge de sons , de sens, de sons-sens, qui franchit le mur du son et fait éclater l’espace, l’espace fermé, l’espace prisonnier, l’espace libéré dans tous les sens, dans tous les sons…
J’adore !
Ronronnements de plaisir
Mots de miel, mots de délice,
Présentés en un calice
Je ne sais lequel choisir…