Le point de vue
Le point de vue en littérature
C’est en voyant mon deux-pattes plongé dans La terre des mensonges d’Anne B. Ragde, une auteure norvégienne (que je te recommande au passage, ô ami lecteur), et en lisant par dessus son épaule, que m’est venue l’idée de réfléchir à la notion de point de vue, ô combien importante dans l’écriture et, en particulier, dans l’écriture de roman.
Une idée contemporaine
Depuis que la science deux-pattes a découvert combien l’observateur influait sur l’observation, sur l’observé, le roman démultiplie le point de vue à l’intérieur d’un corpus afin d’exprimer le sien.
Un autre exemple célèbre, et récent, est Le Trône de fer (Game of thrones), de J.R.R. Martin, dans lequel les personnages foisonnent, où chaque chapitre est le point de vue d’un de ces personnages.
Cependant, dans ce genre qu’est la fantasy, mon coup de cœur va à Richard Scott Bakker, avec son Prince du néant, où le point de vue des trois principaux personnages est développé, dans le cadre d’une saga d’une richesse exceptionnelle. Celui de l’auteur y est enrichi par les différents autres points de vue qu’il donne à lire.
Le narrateur
Quand un lecteur suit le fil d’une histoire, il lit ce qui lui est raconté par le narrateur, ou plutôt ce qui est écrit par celui-ci. Mais qui est-il, ce narrateur ?
Pendant longtemps, le narrateur était omniscient et décrivait l’action qui se situait à Pékin, tout en rappelant l’événement surgi quelques minutes auparavant à Paris, tandis qu’un transatlantique abordait à New-York, tout cela avec une foule de détails précis dans laquelle les paysages étaient à l’honneur ainsi que l’ensemble des décors. Le narrateur connaissait tout sur tout et informait le lecteur avec précision.
Et puis, ont surgi des narrateurs qui se sont parfois révélés ou menteurs (ils trompaient sciemment le lecteur) ou naïfs (incapables de percevoir le monde tel qu’il était dans sa réalité).
Ces narrateurs-ci s’expriment souvent à la première personne comme si celui qui écrit était un témoin privilégié de la ou des scènes évoquées. Et c’est le cas. Pour raconter une histoire avec de tels personnages, il vaut mieux qu’ils jouent un rôle important sinon principal dans le récit (au moins en tant que témoins).
Moi personnellement moi-même
Moi qui vous parle, Eschylle, qui suis un chat, siamois de surcroît, je sais bien qu’il m’arrive de manifester, du fait de ma personnalité, une certaine condescendance à l’égard des deux-pattes. Imaginez un auteur qui voudrait me représenter. Il devrait s’imaginer sauter au sommet d’une armoire (ou d’une étagère) afin d’observer ses lecteurs (toi, mon ami, qui me lis actuellement) penchés sur leur écran (que ce soit celui d’un smartphone, d’un ordinateur portable ou tout autre…) et se grattant le front, perplexes.
L’Eschylliade
Quand je raconte les aventures vécues avec Bélerin, Maeviree, Romilor, Léo, Wulfina, Tolga et Arcange, je livre mon point de vue. Il évolue au cours des dix volumes que constituent mes cours d’Histoire Morale de la magie. Il change aussi dans le flux du récit, puisque je suis tantôt le professeur, qui a l’apparence d’un deux-pattes et les capacités d’un haut-mage, tantôt le jeune chat que j’étais à l’époque, possesseur de quelques dons mais aussi de nombreuses lacunes…
Tu peux t’en convaincre en lisant (ou relisant) le premier chapitre du premier tome de L’Eschylliade.
Dans ce chapitre, tout en disant que je suis un chat, je me comporte comme un deux-pattes instructeur et je parle à la première personne. Si tu lis le roman, tu en sauras plus…
La Plus grande magie
Dans cette nouvelle, que tu peux lire facilement, soit parce que tu t’es abonné à mon Carnet de bord au bon moment et que tu as pu la télécharger sous format pdf, soit tout simplement en allant à la page qui la concerne sur mon site, le personnage principal, Bélerin, est nommé à la troisième personne et le narrateur semble omniscient. Tout se passe comme si une caméra suivait Bélerin au plus près, prenant son point de vue tout en le positionnant dans l’espace. Le lecteur voit agir le jeune elfe noir et partage ses émotions. Il découvre le monde en même temps que lui.
L’Arc de la lune
Dans ce roman, le principe est similaire : Léo, le héros, est suivi au plus près et le lecteur est informé de ce que ressent l’adolescent félissien. Tu peux, ami lecteur, lire le premier chapitre ou te procurer l’ouvrage si tu le désires.
Tu découvriras avec Léo, au fur et à mesure, les événements. Tu auras parfois la possibilité d’anticiper sur certains d’entre eux, sur certains personnages, pour peu que tu sois plus âgé ou plus expérimenté que l’adolescent. Mais ceci est une question de point de vue…
Le point de vue – un moteur créatif
Toute création littéraire nécessite un point de vue, surtout quand l’auteur veut montrer sans raconter. Cette règle, impérieuse dans l’écriture de scénario puisqu’il s’agit d’écrire pour l’image, donc pour donner à voir, pour montrer, s’applique aussi dans l’écriture romanesque, en particulier dans les littératures dites de l’imaginaire.
Dans Wulfina (un roman de fantasy à paraître), le lecteur perçoit tout par l’héroïne, une jeune loupine de quinze ans en conflit avec sa mère. Pour l’auteur que j’étais quand je dictais ce roman à mon deux-pattes (il prétendra en être l’auteur et je dois reconnaître que je me publierai même sous son nom parce qu’il est impossible de toucher directement des droits d’auteur en tant que chat, mais ceci est une autre histoire…), pour l’auteur que j’étais, écrivais-je, je jubilais à donner tous les indices au lecteur (à toi, ami deux-pattes) afin qu’il comprenne avant l’adolescente qui était dangereux et qui ne l’était pas. Ce point de vue (celui d’une adolescente) a été le moteur de cette création. Ses espoirs de vie nouvelle, de liberté, puisqu’au début du roman, la jeune loupine est une esclave, se confrontaient à un monde extérieur qu’elle percevait de façon faussée parce qu’en pleine crise d’adolescence.
Suivre son point de vue me permettait de suggérer une histoire épique, en toile de fond, perçue à travers le regard distancié d’une adolescente obnubilée par ses problèmes personnels, par l’apprentissage de soi-même, plus que par les problèmes d’un monde déchiré par le feu et le sang.
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Le point de vue, comme un kaléidoscope, multiplie
les approches et la perception de la réalité.