Rencontre avec des gobelins
Rencontre avec des gobelins – Le combat
Rencontre avec des gobelins succède à Sentinelle de la justice. Après avoir décrit l’inquiétude perceptible chez mes compagnons, dont mon maître parti se cacher, je m’étais planqué dans un trou d’arbre, laissant seul Tolga se comporter en… sentinelle de la justice. La découverte de mes premiers gobelins fut, sinon un enchantement, du moins relativement sanglante.
Rappel de l’épisode précédent
Dans l’épisode précédent, Sentinelle de la justice, les compagnons se camouflaient, à l’exception de Tolga. Dans Rencontre avec des gobelins, je narre les événements qu’elle engendra.
Les gobelins
Comme les félissiens, les elfes, les nains, les orques ou les loupins, ils composent l’une des nombreuses races qui peuplent le Haut-Royaume de Lear. Intégrés, ils souffrent parfois de leur laideur (selon les canons de la beauté deux-pattes), mais nombreuses sont les histoires d’amour entre races, transcendant les préjugés des uns ou des autres.
En route – Premier combat – chapitre 7
(suite et fin : Rencontre avec des gobelins)
Un groupe de gobelins surgit au détour du chemin. Ils étaient cinq, des guerriers, qui saisirent leurs armes dès qu’ils aperçurent Tolga. Mais ce dernier ne bougeait pas. Ils se rapprochèrent. Leurs casques, armures et armes étaient grossiers, rouillés, crasseux. Autre détail, ils dégageaient une puanteur que vous ne pouvez pas imaginer. On dit que les gobelins peuvent être laids à crever les yeux, mais un gobelin qui ne se lave pas sent plus fort qu’un putois et, alors, malheur aux narines délicates ! En observant plus attentivement, je faillis éclater de rire : le nez de Tolga se plissait, vibrait pour chasser les effluves épouvantables que dégageaient les cinq affreux.
— Tu fais quoi, seul dans ces bois, mon petit ? lança un gobelin qui était moitié moins grand que Tolga.
Je dois apporter ici une petite précision : les gobelins sont de la même taille que les petits-hommes, c’est-à-dire quatre queues de chat environ. S’ils n’étaient aussi peu gâtés par la nature (ou trop gâtés, un peu comme leurs dents, tout dépend de quel point de vue on se place), on ne remarquerait aucune différence. Ils sont en général d’une laideur à faire peur.
Je voyais des gobelins de près pour la première fois. Ma mère m’avait « montré » les protecteurs de notre village, des pisteurs gobelins justement, ceux qui étaient partis en patrouille peu de temps avant le début des événements. Mais à l’époque, j’étais « miro ». Elle avait commenté : « Ils sont horribles à voir mais ils ont un cœur d’or ».
Cette qualité ne semblait pas l’apanage du groupe qui faisait face à Tolga. Ils avaient beau sourire, ils ne transpiraient ni la bonté ni la générosité. Ils révélaient simplement les crocs aigus de leurs mâchoires abîmées.
— On dirait qu’il a avalé sa langue ? ricana l’un d’eux.
— Et vous, qui êtes-vous ? demanda Tolga, toujours bras croisés.
— Il parle ! Nous ? On fe promène, dit avec un accent épouvantable un gobelin bedonnant.
— Un pas de plus et je dégaine, affirma Tolga sans faire un mouvement.
Le rondouillard, qui s’avançait, s’arrêta et se tourna vers celui qui semblait être le chef. Celui-ci portait un casque surmonté de deux crocs jaunâtres. Il écarta les bras.
— Pourquoi risquer ta vie ? Donne-nous tes armes, accompagne-nous sans histoire et nous ne te ferons pas de mal.
— Où vous accompagnerais-je ?
— Là-haut, parmi les vieilles pierres, nous avons un havre de paix…
— Dans les ruines de la vieille tour ?
Les petits yeux porcins du chef se plissèrent.
— Tu connais ?
— J’ai passé mon enfance ici… Oui, je connais bien la région. Je suis le fils du seigneur de Ventadour.
Tolga souriait, l’air toujours aussi détendu.
— Tu peux nous dire ce que tu fais ici ? dit plus durement le chef.
— J’enquête sur les enlèvements d’enfants.
À ces mots, tous les gobelins éclatèrent de rire. Ils se frappaient les cuisses, se flanquaient de grandes claques dans le dos et bavaient. C’était ça le plus répugnant chez eux. Rire était comme cracher. Le chef essuya de la morve verte qui s’était répandue sur son groin.
— Bon, assez rigolé. Jette ton arme ou ça va mal finir.
Le bedonnant s’avança, le fer levé. Tolga dégaina l’épée qu’il portait en bandoulière dans son dos et, dans le même mouvement, trancha la main qui tenait l’arme. Il y eut un instant de silence, puis les gobelins se mirent à hurler. Ils chargèrent tous en même temps, leurs haches brandies. Presque simultanément, deux flèches se fichèrent dans la gorge du chef, qui fit encore quelques pas alors qu’il était déjà mort. Une sorte de sanglier jaillit des fourrés, percuta deux gobelins qui allèrent rouler dans les taillis et se mit à les frapper à coups de bâton. Une ombre apparut dans le dos du dernier qui porta la main à son cou, trop tard, avant que ses yeux ne se révulsent et qu’il s’effondre, sac de pommes de terre brusquement déchiré.
Le petit gros se tenait le poignet et beuglait comme un cochon qu’on égorge. Il était le seul survivant de la bande qui ricanait un instant auparavant. Après avoir expédié les deux misérables qu’elle avait percutés, le « sanglier » Wulfina attrapa le bedonnant et l’assomma. Ce n’est qu’après qu’elle banda son bras tranché. Léo récupéra ses flèches. Romilor nettoya sa dague.
La violence s’était déchaînée le temps de quelques battements de cœur. Le couvercle du silence retomba sur un aspect hideux de la vie. Bélerin sortit des fourrés dans lesquels il s’était caché. Il extirpa des serviettes sèches de son sac et en tendit une à chacun.
— Essuyez-vous, sinon vous allez prendre froid.
Tous étaient en sueur. La bruine qui flottait entre les branches n’attendait que de pouvoir se glisser dans leurs cous pour les ramener à la terre.
— Si vous permettez, je vais m’occuper de notre futur compagnon, ajouta-t-il.
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Lire depuis le début ?
Si cet épisode, rencontre avec des gobelins, dernière partie du chapitre 7 de Ne pas se fier aux apparences, est ta première lecture de mon Eschylliade, tu risques de ne rien comprendre (même si la clarté de mon écriture conjuguée à l’acuité de ton esprit représentent déjà un lien inaltérable). Je t’invite donc à commencer ta lecture par le premier chapitre. Cela manque peut-être d’originalité mais c’est là mon conseil. J’ai écrit un délicieux article sur ma qualité de chat-rtiste. Je t’invite à voyager au sein de ce Carnet de bord à ta guise. La souris (animal ô combien délicat, et au goût sucré), sous ta main, devient illusionniste : d’un clic, elle fait tout apparaître et tout disparaître. Je suis un chat (siamois de surcroît) et, avec mes trois vies, j’ai vécu l’équivalent de sept cent de vos années. Je sais combien l’observateur modifie l’observation. Tu as un rôle à jouer dans le monde d’aujourd’hui, ô mon ami qui poses les yeux sur ces lignes, et je t’invite à devenir lecteur-solidaire.
La table des liens
Tu as aussi la possibilité, ami lecteur, de te référer à la table des liens de l’Eschylliade qui, avant cet épisode, renvoie à tous les chapitres déjà parus sur ce carnet de bord.
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