Corrosion

Eau rage, eau désespoir

L’eau s’infiltre partout et déchire la pierre :
Goutte à goutte elle instille un chemin silencieux
Qui se glisse sous roc et s’éloigne des cieux,
Contourne tout obstacle et descend, meurtrière ;

Implacable, innocente, elle est une ouvrière
Vitale, indestructible, et qui remplit les creux,
Descend tel un lombric au sein d’un fruit véreux ;
Championne de l’atome, inarrêtable et fière,

Elle hache deux eaux en liquide poussier ;
Et ce qui, autrefois, soutenait un immeuble,
Colonne vertébrale aux poutrelles d’acier,

Sur son axe ébranlé, corrodé en son cœur,
Réduit à cette boue corrompant chaque meuble,
Se répand en limon, rongé par son vainqueur.

Aveux

Historique

J’ai écrit ce sonnet il y a plus d’un an. À cette époque, une infiltration d’eau dans l’immeuble où habite mon deux-pattes (et j’habite dans le même lieu !) menaçait de tout mettre à bas.
Vous imaginez ?
L’eau, mon ennemie héréditaire, que je fuis comme la peste, rongeait les fondations de mon petit nid douillet ! L’angoisse épouvantable que cela a suscité en moi s’est concrétisée dans ce texte.

Titre

Le titre de l’article (Corrosion), je l’ai trouvé hier, et celui du sonnet (Eau rage, eau désespoir, ce matin, traduction de ma peur. Clin d’œil à l’angoisse de vieillir des deux-pattes, un certain Corneille (pas le chanteur, l’autre) l’avait sublimé dans ces mots articulés par un père outragé (avec une orthographe différente, il est vrai).

Commentaires sur le sonnet

Un élément : l’eau

J’apprécie le sonnet pour sa délicatesse quand il chante la rencontre avec l’amour ou la sensualité, cette exacerbation des sens. Je me suis amusé à rendre beau l’immonde.
Dans ce texte-là, je voulais évoquer l’un des éléments vitaux de l’existence et ce en quoi il peut être une menace pour la vie. J’aime boire de l’eau dans une écuelle, une tasse ou mon bol, mais je déteste être submergé par une masse liquide et… mouillée  ! (Demandez aux deux-pattes qui habitent près des côtes ce qu’ils en pensent, en ce moment !)
Quand elle s’infiltre, souterraine, invisible, la corrosion de l’eau est aussi destructrice que des termites en pleine action.

Mot inventé

« inarrêtable » n’existe pas, nous sommes d’accord, mais il me fallait un mot qui ressemble à « impitoyable » avec les consonnes « t » et « r » (pour les allitérations). Il m’est venu au naturel (Je suis un chat (siamois de surcroît), ne l’oublions pas !

Définition de la corrosion

La corrosion est l’action de corroder ; son résultat. nous enseigne Le Petit Robert 2013 ; et corroder signifie détruire lentement, progressivement, par une action chimique ; et les synonymes ne manquent pas : désagréger, ronger, consumer, miner.
J’aime le côté rongeur de ce mot. Quand un deux-pattes le prononce, sa bouche se tord en un rictus pervers comme s’il prononçait un mot horrible… et c’est un mot terrifiant ; mais qui cache bien son jeu.

Un peu de publicité

Quand j’évoque la corrosion, le corrosif, je ne peux m’empêcher de penser à mes cours d’Histoire Morale de la Magie. Chaque séance était prétexte à faire étalage de mon génie poétique. J’avais pourtant devant moi des apprentis magiciens tout prêts à me respecter (du fait de mes talents de magie, entre autre), mais il fallait que je prouve au monde la supériorité naturelle de la gent féline (si vous avez bien lu mes articles consacrés à la grammaire, vous connaissez celui-ci, n’est-ce pas ?). Peut-être fis-je preuve, à cette époque, de corrosion (sinon de corruption, ce qui eût été un comble !) dans ces jeunes esprits.

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A propos Eschylle

Autant le dire tout de suite, je suis un chat. De surcroît, vous pouvez le constater, je m’exprime dans votre langue. Si j’avais miaulé, vous n’auriez rien compris. Ni même rien entendu puisque nous sommes dans le virtuel. Et l’écriture chat est un secret bien gardé.
J’apparais, sous la forme d’un siamois, à Paris en 1989 (28 06 1989), après avoir parcouru de nombreux plans d’existence. Je m’offre alors un deux-pattes fidèle et attentionné. Les péripéties de la vie me font découvrir qu’il n’est pas pourvu que de qualités, et tarde à écrire sous ma dictée. Je meurs et renais en 2006 (je vous rappelle que je suis un chat, il n’y a là rien que de très normal). Fin 2008, je prends mon deux-pattes en patte et commence à lui dicter mes souvenirs. Début 2011 est publié, sous son nom, mon premier roman, L’Arc de la lune. Les souris sont mon seul vice. Avec le chocolat. Oui, je sais, c'est inhabituel chez un chat. Je serai enchanté de répondre à toutes vos questions, quelles que soient vos origines (marsupiaux, félins, muridés (même les rats, j’adore les rats (surtout accompagnés de petits oignons, ou au naturel) !), ou même deux-pattes…)

2 réponses à Corrosion

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