Haïkus du troisième mois : mars
Bulbes sur pelouse
à la mémoire safran
sourient les crocus
Les jours se rallongent
des larmes sur les pavés
le printemps attend
Blancheur d’une fleur
boucle d’oreille en cerise
feuille qui s’envole
Toile d’araignée
fragile arabesque d’or
soleil lumineux
La route est chemin
sur les talus se prélassent
neige ou fleurs des champs
Papillon se croque
agaçant quand il volette
chatouille babines
Gris est l’horizon
long stratus ébouriffé
un œil du ciel pleure
Reviennent nuées
giboulées au rendez-vous
le ciel va tonner
Malgré la grisaille
la lumière se déploie
rayons caressants
Douceur du printemps
la lumière est en chacun
le soleil aussi
Gel sur chaque toit
printemps griffé par l’hiver
les souris grelottent
Bourgeon blanc de gel
l’hiver séduit le printemps
lumière glacée
Considérations météorologiques
Après un hiver doux et humide, mars est le mois du printemps, où les premiers bourgeons éclosent, où les petits oiseaux gazouillent et réveillent le chasseur dès l’aube. Il y a ainsi eu, avant le 20 mars, quelques très belles journées (oui, au bout de deux jours, on peut écrire « quelques », ami lecteur !). Mais les travers de ces derniers mois sont revenus : trop de pluie, monsieur le ciel, beaucoup trop de gouttes d’eau, qui ont cette fâcheuse habitude d’être mouillées !
Pour moi qui suis chat, rien n’est pire que la pluie sur la truffe ou sur mon délicat pelage de grand fauve (Comment ça, je suis plus petit qu’un tigre ? Vous m’auriez vu dans ma deuxième vie, vous feriez preuve d’un peu plus de respect !).
Considérations littéraires
Je poursuis avec mars mon voyage dans le haïku au mois le mois. Je varie entre croquis, évocation, trait rapide, suivant le chemin que je me suis tracé lorsque je tentais de définir le haïku. Je l’avais nommé Tentative de définition et je confirme : chaque expression donnée est une tentative de respiration en harmonie avec l’univers. Je peux ressentir et exprimer, il me faudra ensuite revenir sur les textes écrits pour les peaufiner, les raboter, les transformer ou les supprimer s’ils ne me parlent plus. Écrire est un acte de répétitions, ou de retour, non vers le futur, mais vers le passé.
Considérations mythologiques
Pourquoi appelle-t-on mars le mois de mars ?
La question mérite d’être posée !
Eh bien, les bellicistes vont être heureux et les pacifistes atterrés : cela vient des deux-pattes romains qui, avec ce premier mois de leur année, voyaient les beaux jours revenir et, donc, la possibilité de combattre sans risquer de glisser dans la neige ou dans la boue (ce qui eût été du plus haut comique : cela aurait stoppé net toute guerre, cette entreprise on ne peut plus sérieuse) ! Ils saluaient donc Mars, dieu de la guerre.
Les autres mois évoqués
Auparavant, mes haïkus ont chanté les mois de janvier et de février.
Je n’ai pas manqué de souhaiter une bonne année à chacun par le truchement de ce genre qui me plait tant.
Autres remarques
Je me suis penché sur le haïku lui-même, avec des haïkus égoïstes, dans sa contemplation intérieur, mais peut-être suis-je en train de sortir de mon sujet ? Tout est affaire de point de vue.
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Silence est la pause
les mots au flux déchaîné
ont brisé la digue
Mots en liberté
retour à la source pure
l’écrit en frissons
Rivières en crue
les mots déferlent en vagues
rivage en folie
Rayon de soleil
la mer dune sur les toits
Noyé l’horizon
Senteurs dans les bois
les oiseaux moqueurs susurrent
l’amour en feuillage
Dans le lit de l’onde
fleurs fanées, bourgeons rieurs
printemps est poète
Explosions de flore
les bourgeons la goutte au nez
camouflent leur feu